Parce qu’on se sent à l’étroit dans sa propre existence et que l’écriture offre la possibilité d’en repousser les limites, d’accéder à d’autres vies.
On écrit pour ouvrir des fenêtres, verrouiller des portes, réparer des blessures, apaiser les tumultes, combler un vide, fixer des moments heureux, faire taire certaines voix et en faire chanter d’autres, pour s’éloigner des événements, et les réinventer avec ses propres mots.
On écrit aussi pour le plaisir d’une phrase juste, pour sa musique.
On écrit pour mieux vivre. Pour mieux comprendre, mieux supporter la vie, mais aussi pour la décrypter, la détrousser, fouiller ses moindres replis, ne rien perdre de l’extraordinaire éventail de sensations qu’elle propose.
On écrit pour l’éclairage que l’écriture donne.
On écrit parce qu’on a tellement aimé lire qu’on voudrait donner ce plaisir-là, et y prendre part. Parce que les écrivains sont des magiciens faiseurs d’étoiles par le simple enchaînement des mots. Et qu’on aimerait tant rentrer dans la danse.
On écrit parce qu’on a l’impression en écrivant d’avoir un pouvoir sur le monde, de le transformer, un pouvoir sur le temps qui passe. L’impression de reculer la mort, parce que l’écriture, comme la création, est proche de la sexualité, du désir, du plaisir, de la jouissance.
On écrit pour être lu, parce qu’on croit qu’être lu c’est être aimé. On écrit pour être aimé.
Puis plus tard on écrit parce qu’on ne peut plus s’en passer, que l’écriture est devenue une drogue, qui vous mange tout entier, qu’on aimerait se désintoxiquer, mais alors il semble qu’il y aurait encore plus difficile qu’écrire: ne plus écrire.
Et on commence à vivre dans la terreur non d’abandonner l’écriture, mais d’être abandonné par elle.
J’écris à cause de certains mots, très peu, une petite liste, balcon, coléoptère, jacaranda, cassonade, mantille, lichen, astragale, oxymore et de certaines phrases, lues il y a longtemps, qui se sont intégrées à mon sang, ma chair, mes os, se sont diluées en moi.
J’écris parce que je n’ai plus le choix.